Disparition de l’univers

Faut pas me faire dire ce que je dis pas, pas plus qu’il faut me faire dire ce que je dis, d’autant que je déteste me répéter. Sans compter que, si je l’ai dit, ça veut dire quoi, de me le faire dire ? Ce qui est dit est dit, alors que l’on n’y revienne pas.
Maintenant tendez bien vos oreilles, car j’ai quelque chose à dire. Tendez-les dans ma direction, à moins que vous préfériez que mes paroles vous échappent. Lorsque les paroles de quelqu’un nous échappent, c’est qu’on n’a pas su les retenir. On les a eues un instant, elles ont frappé au pavillon, la porte s’est ouverte, de miel ou de fiel elles ont coulé dans nos oreilles, plus ou moins douces à nos yeux, avant de reprendre leur envol on ne sait où. Dans d’autres plus accueillantes, moins méfiantes, plus disponibles car moins occupées à écouter des sornettes, parfois bien vénimeuses. Ou plus fragiles : c’est pour cela qu’aucun coquin sera toujours là pour déverser quelque vacherie à l’entour ou projeter en plus sensible feuille ce qui lui était destiné.
Le silence est d’or ; la parole est d’argent. Foutaises ! En tout état de cause, celle que je vais délivrer est de diamant, taillée exprès de mille facettes pour que s’y mire l’univers. Autant dire que le silence, tout silence qu’il soit, aille se faire rhabiller. Assailli par tant de beauté, l’univers accélérera-t-il son expansion ou, ne pouvant soutenir l’indicible s’effondrera-t-il sur lui-même ?
Mais qu’est-ce donc qu’une parole de diamant ? vous sens-je songer avec fébrilité. C’est une parole qui brille de mille feux, le nombre très exact des facettes qu’elle présente. Mais ne faut-il pas en faire le tour pour en faire le compte, afin de vérifier leur nombre ? vous vois-je tenter de réfléchir sans reflet, ni le moindre espoir de renvoyer la moindre lumière. Non, mais là n’est pas la question, comme aiment à le dire les inquisiteurs qui estiment qu’un écartelement n’est que nanan.

Viens en au fait, Ducon, entends-je murmurer un impatient à qui, si je dévoilais le fait que je l’ai entendu, je répondrais qu’il eut mieux fait de se la fermer, vu la révélation qui va lui tomber sur le râble. Et que voici :
Un jour ou l’autre, voire même les deux, l’univers va tomber dans le vide, et le vide lui-même va lui aussi tomber dans le vide. Je vous laisse imaginer le tableau : quelque chose, puis plus rien, sauf la disparition définitive du tangible. Ben merde, alors ! vous ois-je lâcher en tombant sur le cul et reconnaissant la lumineuse clarté de mes propos, qui illumine vos ingrates faces, comme une rivière de diamant éclaire d’un jour nouveau, dont on se serait bien passé, la tronche d’une rombière. Qui la montre enfin telle qu’elle est : inexistante.
Je n’ai pas fini. Le vide lui-même, pris de subites contractions incontrôlables, proches de celles d’un hominidé femelle sur le point de mettre bas, va se replier puis s’écrouler sur lui-même, produire un anti-pet titanesque et disparaître dans le néant. A tout jamais, puisque c’est le néant.
Le néant ? C’est bien simple : pris de subites contractions incontrôlables, proches de…
Mais attention, hein ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit comme, par exemple… 

A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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