Les sans logis, SDF, on dit, avec la caillante qu’il fait, ça ne doit pas être facile. Sauf, peut-être, quand ils sentent que ça va s’arrêter, tout ça, la vie. Je ne les envie pas, mais de savoir que tout va s’arrêter, la faim, la soif, le froid, la solitude, la toux qui déchire les poumons, les méchancetés, l’ignorance des nantis, la pitié du dimanche matin, la morgue des dirigeants… de savoir que les tracas vont se dissiper dans l’oubli, sans être un vrai réconfort, ça doit ressembler à l’idée qu’on peut se faire de ce qu’est une tranquillité paisible, sans plus aucun souci.
Les mères SDF, avec le froid qui les fait se recroqueviller sur leurs gamins pour se réchauffer et donner ainsi de leur chaleur aux gosses, ça ne doit pas être facile et ça doit leur briser le cœur de ne pouvoir leur offrir mieux. Mais quand ce froid devient si mordant qu’elles comprennent bien que ça ne durera plus longtemps, ça les rassure un peu. Alors elles peuvent se laisser aller à s’endormir.
Au petit matin plus lumineux que les jours d’avant, parce que la neige est tombée dans la nuit, de très jolis manteaux couleur de linceul emmitouflent les dormeurs des rues. Quelques uns s’ébrouent comme de vieux patauds aux coudes usés, tandis que d’autres dorment encore d’un sommeil qui jamais ne fut aussi profond.
C’est la magie de l’hiver, qui fait place nette. Et propre.